vendredi 11 septembre 2015

Mais au fait, c'est quoi une "alternative citoyenne"

Plaidoyer pour la constitution d’espaces politiques d’un « nouveau genre »

Nous assistons à un usage croissant du qualificatif de « citoyen ». A tort et à travers. Dans plusieurs régions et en perspective des prochaines élections, des listes « citoyennes » fleurissent.
Mais il faut faire la part des choses.
Certaines sont d’authentiques initiatives citoyennes (avec Assemblées générales, discussion du programme et désignation des candidats lors de ces assemblées…).
D’autres sont des opérations de « com » (en Rhône Alpes par exemple, ce sont des tractations entre organisations politiques et absolument pas des réunions ouvertes aux citoyens).
Des habillages donc.
Et même de nouveaux partis comme la nouvelle gauche socialiste (« frondeurs » issus du PS) se réclament d’une démarche citoyenne ! Mise au point…

Plaidoyer pour un nouveau concept… pas si nouveau que cela

Voila maintenant trente ans que je milite et j’ai « traversé » des organisations variées. Des associations, des collectifs, un syndicat. J’ai fait l’expérience de plusieurs organisations politiques (quatre en tout). J’en ai vu de nombreuses autres de près (au cours de réunions dites « inter-orgas », en manif, en assemblées, en débats, en colloques….) et d’encore plus nombreuses d’un peu plus loin…

Pour ce qui concerne l’action politique (le champ associatif et le champ syndical relèvent à mon sens d’autres problématiques et j’y reviendrai peut-être dans d’autres articles), je pense aujourd’hui que « nous » avons tous fait fausse route. « Nous », à savoir tous les militant-es que j’ai pu croiser dans les groupes politiques, organisations, partis, de nature «idéologique»… 

Récemment, j’ai définitivement abandonné le concept « d’organisation politique ». Non pas pour devenir un « autonome spontanéiste », mais pour en défendre un autre, finalement bien plus proche de mes convictions libertaires d’origine.
Aujourd’hui, les initiatives citoyennes – celles qui m’intéresse – prennent des formes diverses. Ce sont des associations citoyennes (sans autre sigle), des assemblées citoyennes, des cercles podemos, des associations siglées « front de gauche » mais en rupture avec la logique du cartel de partis, etc. Elles inscrivent leur action dans le temps, visent à la pérennité et ne sont pas « montées », en principe, pour la seule occasion d’une échéance électorale particulière …

Pour moi, les démarches « d’alternative citoyenne », du moins telles que je les vois naître sur le terrain et telles que j’en souhaite le développement, relèvent d’un concept bien précis : les démarches politiques citoyennes, ce sont les démarches qui mettent réellement le citoyen au cœur des débats et des actions politiques. Autrement dit, qui priorisent toujours et systématiquement l’implication citoyenne...

Les démarches citoyennes nécessitent la création 
d’espaces politiques d’un nouveau genre…

Pour lancer ce type d’initiatives, il faut impulser les espaces adéquats. Et ces espaces ne peuvent être des partis ou des organisations politiques telles que nous les connaissons.
C’est ce dont je vais essayer de vous convaincre ! 

De mon point de vue, ces espaces doivent être simples, souples et largement ouverts (c’est en tous cas ce que nous proposons et ce que nous tentons de faire à Lyon). Bien entendu, un « cadre de valeurs » est nécessaire (ce ne sont pas les citoyens supporters du gouvernement, des Ripoublicains ou des FN qui nous intéressent !). 

Ce cadre de valeurs peut être aisément défini : ce sont les valeurs de solidarité, de coopération, d’entraide et d’ouverture au monde, de liberté et d’égalité, de respect de l’Humain et des écosystèmes, de justice sociale et d’insoumission, d’esprit critique et d’émancipation ! Il n’est pas nécessaire, et ce serait paradoxal, de vouloir aller plus loin.
Ces espaces de mobilisation citoyenne, ce sont les participants qui vont les construire avec leurs opinions, leurs idées, leurs réflexions, leurs propositions. 

Là est la véritable citoyenneté : avec ce « citoyen » qui, solidaire, généreux, ouvert d’esprit et curieux, cherche à prendre son destin en main, à assumer sa souveraineté dans la gestion des affaires publiques. Avec ce citoyen qui refuse de laisser une petite caste de politiciens professionnels et de chefs d’entreprise décider pour le plus grand nombre… Avec ce citoyen qui est un sujet politique actif, et qui, par son implication, œuvre à l’avènement d’une démocratie réelle. 

Là se situe la première différence fondamentale avec un parti ou une organisation politique.
Les partis ou organisations politiques se caractérisent par le fait d’avoir un cadre idéologique bien précis : une certaine grille de lecture du monde, un corpus d’idées assemblées dans une certaine logique, un ensemble de revendications bien ficelées… 

Si l’on veut que les citoyens se réapproprient l’objet politique, il ne faut justement pas qu’il existe de trame idéologique pré-établie, pré-formatée. 

C’est à cette condition que l’espace d’alternative citoyenne peut alors être un vrai espace d’élaboration (de pensée et d’actions), en prenant en compte et en brassant tous les « apports ». Sinon, on se retrouve dans une organisation classique où le corpus d’orientation n’est modifiable qu’à la marge (et encore) car défendu becs et ongles par les piliers militants de l’Institution (vieilles figures ou jeunes apparatchiks en herbe…). 

Dans l’espace d’alternative citoyenne, tout doit rester, toujours, possible. 

Cela ne veut pas dire qu’aucune position ne doive et ne puisse être adoptée. Mais, tout d’abord, c’est à l’unanimité ou au consensus le plus solide possible, après des discussions de fond. Et ensuite, rien ne doit être gravé dans le marbre, et tout doit pouvoir être rediscuté. 

Donc, l’alternative citoyenne, pour « être », doit s’interdire (toujours de mon point de vue) d’adopter des statuts fixant des orientations politiques précises.

Ce faisant, le seul accord qui doit être pérenne et inscrit comme une base inaliénable, fondatrice, doit être le cadre de référence aux valeurs et à la méthode, telle que décrite précédemment. 

Ensuite, on peut avoir toutes les discussions possibles et imaginables ! On peut confronter toutes nos idées, on peut échanger sur de multiples sujets, on peut « s’empailler » (respectueusement) et avec toujours (on l’espère) de nouvelles personnes apportant leur pierre à la construction de ce nouveau type de mouvement politique…

Enfin, autre caractéristique qui fait la différence nette avec un parti ou une organisation politique c’est que ces derniers ne cherchent à réunir que des personnes (des « sympathisants », puis des « adhérents », puis des « militant-es ») en accord avec la ligne de ce qui est devenu une véritable institution. 

Par nature, l’organisation politico-idéologique n’invite pas à discuter, elle recrute. Elle ne cherche pas à s’altérer, elle cherche à nous convaincre d’adhérer pour se perpétuer.
Il n’y a aucune « porosité » du parti ou de l’organisation politique qui permette des entrées constantes de personnes aux avis différents. 

Ce faisant, chaque organisation (même si elle proclame, à ses débuts, qu’elle va « faire de la politique autrement ») finit par générer un solide entre-soi. C’est le résultat logique induit par sa logique centripète et fusionnelle ou encore sa logique de « clivage » entre le groupe et le hors-groupe. 

« Victime » plus ou moins volontaire de cet entre-soi solide et imperméable, l’organisation ou le parti s’étiole, se sclérose et se coupe finalement des citoyens (qu’il nomme alors « la base », le peuple, les gens…). 

Voila pourquoi, ce concept d’espace citoyen que nous essayons de porter, est novateur. 

Quitte à me répéter, le cadre est simple, souple, minimaliste, poreux. C’est un cadre épuré de valeurs fortes. Le reste, tout le reste, c’est-à-dire toutes les questions de fond, de stratégies, de réformes, de pratiques, de fonctionnement, de démocratie, d’économie, de société…. sont abordées dans les débat auto-organisés par les actrices et acteurs de ces espaces. 

Mais quid de la question des élections ?
 
Ceci dit, on ne peut avoir pour objectif de s’en tenir à un espace de pure réflexion et de débats sans « suites ». De même, il ne peut être judicieux d’entamer des actions sans offrir, sans s’offrir des débouchés politiques. Mais si des regroupements citoyens décident de participer aux élections, à différents niveaux, cela ne fait-il pas d’eux des « partis politiques » ? 

Il est important de se poser cette question et de tenter d’y apporter des réponses claires.

Je pense que les associations, collectifs, cercles citoyens etc. (bref, l’ensemble des ces regroupements qui pourraient constituer un vaste mouvement d’Alternative citoyenne) ne doivent rien s’interdire…. Mais pas n’importe comment !

Qu’est-ce à dire ? 

Nous sommes déjà un certain nombre à oeuvrer pour que des regroupements citoyens agissent politiquement dans leur localité, et mieux, se fédèrent nationalement pour créer une nouvelle force politique dans ce pays. Dans notre « utopie réaliste », la « confrontation » à la problématique électorale est, nous le savons, incontournable. 

Néanmoins je prends la liberté d’émettre un vœu, voire une forte recommandation ! 

Cette décision (de présenter ou de soutenir des candidats) est – par définition – intégralement à la main des assemblées citoyennes. Logique. Mais c’est à ce moment qu’un choix décisif est ou sera à faire. 

Premier cas de figure : on se vautre de nouveau dans la démocratie représentative. En désignant des candidats chargés de nous représenter sans autre forme de précautions.

Second cas de figure : cette décision est précédée d’un sérieux débat sur la question du pouvoir, de la démocratie, de la démocratie participative, du mandat de l’élu-e, du rôle et des prérogatives desdits élus, du contrôle des mandaté-es en cours d’exercice, des procédures de révocations, des modalités de reddition des comptes (rapport financier détaillé)… 

Dans le premier cas, le mouvement des associations citoyennes, collectifs citoyens, cercles podemos, etc se muterait de facto en « parti » classique. 

Dans le second cas, nous aurions bien un mouvement citoyen qui travaillerait à rénover en profondeur la façon même de faire de la politique, qui se distinguerait fondamentalement des partis chasseurs de places et de sièges, et qui inventerait un au-delà de la démocratie représentative..

Changer les pratiques pour refonder notre rapport au « pouvoir »…

Je ne l’avais pas développé précédemment, mais une autre différence essentielle entre un mouvement d’alternative citoyenne et un parti est selon moi le changement radical d’optique vis-à-vis du « pouvoir », un changement substantiel de perspective en rupture avec la conception classique de la conquête de l’Etat et des collectivités territoriales)..,

Le but, par définition, des partis politiques, c’est de conquérir le pouvoir et d’administrer les citoyens. En cela, les citoyens abdiquent de leur souveraineté à chaque élection !

Notre but n’est pas celui-là. Notre but c’est que le peuple exerce le pouvoir, dans le cadre d’une démocratie refondée et réelle

Bien entendu, la délégation, le mandatement est incontournable. On ne peut imaginer que nous pourrions gérer les affaires de la Cité (définition de la politique) au cours d’assemblées générales permanentes.

Mais l’objectif est double :
  • d’une part, que les mandatés soient étroitement sous contrôle de leurs mandants (les citoyen-ne-s)
  • d’autre part que les mandaté-es en question retrouvent un authentique rôle d’exécutif : à savoir exécuter (réaliser) la feuille de route (les résolutions) débattues et adoptées par le plus grand nombre possible de citoyen-ne-s.
En résumé sur ce point :
  • C’est aux alternatives citoyennes, dans leurs assemblées ouvertes, de décider quand et comment, dans quelles conditions elles pourraient être amenées à présenter des candidat-es à des élections.
  • Cette action se ferait dans l’option d’une transformation démocratique profonde de nos institutions (Sixième République ?), visant à impliquer toujours les citoyens dans la définition des objectifs politiques et des « feuilles de route » des mandaté-es élu-es.
  • L’objectif n’est pas de d’abandonner le pouvoir à des élu-es, mais, en mettant en place des dispositifs innovants, de permettre l’exercice du « pouvoir » direct du peuple (pratiques référendaires, organisations de vrais débats publics, appels à des citoyens pour expertiser une question, révocabilité du mandaté ne respectant pas son mandat…)
Par conséquent et dans cette optique, on voit bien combien il serait inutile, confusionnant, et contre-productif de conserver le vocable « parti » ou même celui « d’organisation politique », vu le spectacle que ces « institutions » ont donné à voir jusqu’à aujourd’hui…
Il nous reste encore une question à traiter.
C’est celle du rapport (ou du non rapport) entre un authentique mouvement politique citoyen et les organisations et partis politiques…

Quid des rapports et relations à entretenir avec les forces politiques ?

Je pense qu’il est utile de préciser et de réaffirmer en permanence le caractère totalement autonome des « Alternatives citoyennes » vis-à-vis des partis et organisations politiques.
C’est bien entendu aux assemblées d’en décider (mais c’est néanmoins la position que j’y défendrai!). 

J’irai même plus loin en défendant une absence de rapports tout court avec les appareils (je ne parle pas des militantes et militants mais des machineries politico- électorales!). 

Vu la pagaille que ces appareils sont capables de générer (y compris en semant la zizanie au sein des regroupements citoyens), un cordon sanitaire serait certainement très salutaire. Du moins pour une période (le temps de lancer et consolider nos initiatives. Ensuite, cette méfiance exprimée clairement pourrait avoir un effet : celui de déclencher une véritable série d’interrogations et de remises en cause au sein des organisations et partis en questions (si cela s’avère encore possible…)

Mais aujourd’hui, j’affirme, je persiste et je signe : les organisations et les partis, dans leur état actuel et leurs modes de fonctionnements, sont des « objets toxiques » qui n’apporteront rien de bon aux dynamiques citoyennes. 

Je le redis, il en va autrement de nombreux et nombreuses militant-es (dont les expériences et les savoirs faire peuvent considérablement enrichir les réflexions et faciliter les actions…). A compter qu’ils soient capables de modifier leurs pratiques et leurs approches.

Qu’attendons-nous ?

Cet article est ENCORE un appel à la constitution d’un vaste mouvement d’alternative citoyenne, avec :
  • des espaces citoyens libres et autonomes, largement ouverts à tous ceux et toutes celles qui se réfèrent à des valeurs humanistes, de gauche ou libertaires.
  • Des espaces constitués à leur guise sous forme de cercles, d’association, de collectifs, … et qui se fédèrent entre eux privilégiant les modes de communication horizontaux et en réseaux.
  • Un mouvement qui renouvelle réellement notre rapport au « politique », par des idées novatrices et des pratiques innovantes,
  • un mouvement fédéraliste, vigilant sur les inévitables dérives de prises de pouvoir (mais des « dérives » qui peuvent être contrées à partir du moment où un débat permanent a lieu entre nous…).
  • Un mouvement qui porte un nouveau projet de société, avec la refonte de nos institutions politiques pour une démocratie authentiquement citoyenne, une refondation de notre système économique pour remettre l’économie au service de l’Humain, une exigence permanente d’égalité, de liberté et d’émancipation !
Partout, agissons pour créer ces nouveaux espaces dont nous avons tant besoin.
Échangeons les informations, mutualisons les outils, faisons connaître nos expériences de pratiques…
Connectons-nous ! Pour participer à ce mouvement et au développement de ce site, vous pouvez nous écrire à :

cerclealternative@gmail.com

Régis Lenoir

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